Emménagement

   Nous emménageons dans notre appartement aujourd’hui. Je conduis un petit camion de location sur une autoroute à cinq voies. La skyline de Chicago, massive à l’horizon, m’empêche de bien me concentrer sur la route. C’est la première fois que je me mets au volant d’un camion, qui plus est à boite automatique. Je suis bloquée sur le parking, nous devons aller chercher le loueur pour qu’il m’explique comment ça marche.

   Quand nous arrivons chez nous, nous garons le camion dans l’allée derrière l’immeuble. La back alley, c’est tout un concept. Entre les gamins qui jouent et font du vélo, on peut apercevoir des rats sauter de poubelles en poubelles à la tombée de la nuit. Le lendemain, on les croise à nouveau, écrasés par les roues d’une voiture, les entrailles à l’air. C’est aussi là que les habitants entassent les meubles et objets dont ils ne veulent plus. Chacun peut se servir. Normalement, aucune voiture n’y circule, sauf celles des quelques chanceux qui y ont une place de stationnement. 




La back alley en hiver


   On s’aventure donc, au volant de notre camion, dans la back alley. On pourra décharger et monter les meubles par l’escalier de secours de notre appartement, comme nous a dit de le faire l’agence. Après quelques minutes, un homme s’approche et dans un mauvais anglais, nous fait comprendre que nous sommes garés sur sa place de parking et que nous devons dégager. C’est pourtant l’affaire de quelques minutes, nous venons d’emménager et devons seulement monter quelques affaires. Il n’en a rien à faire, nous devons dégager. Il s’en fiche de notre emménagement. Les cheveux gominés et coiffés en arrière, une chemise beige ouverte sur un débardeur blanc (j’apprendrais plus tard que ce genre de débardeur à la Bruce Willis s’appelle un wife-beater), l’homme pourrait jouer dans un film de Martin Scorsese sur la mafia. Nous déplaçons le camion de trois mètres. Il est satisfait, je garde un goût amère de ma première rencontre avec ce voisin. 

   Nous sommes tous les deux, M. et moi, pour décharger nos affaires : un matelas, un sommier, une table, deux chaises, et des sacs d'ustensiles de cuisine et de draps en vrac, achetés d'occasion à un couple d'étudiants belges qui quittent le pays. Nous n'arrivons pas à faire passer le sommier dans l'escalier de secours. Nous essayons différents angles, rien à faire, ça ne passe pas. La panique me gagne : qu'allons-nous faire de ce sommier, si l'on ne peut pas le faire rentrer dans nos appartement ? Des traces noires commencent à apparaître sur les angles que nous essayons d'emboiter dans la cage d'escalier. Nous devons rendre le camion le jour-même, et je commence mon nouveau travail le lendemain.
   Nous décidons de faire le tour de l’immeuble à pied, le sommier à bout de bras, pour essayer la porte principale. Là, un homme arrive en vélo, nous salue et nous demande si nous sommes ses nouveaux voisins. Après trois mots en anglais de notre part, il nous demande si nous sommes français… en français. On est soulagé de le rencontrer : il nous aide à porter notre sommier. Après pas mal d’huile de coude, nous réussissons finalement et le remercions. En français.




L'entrée principale en été


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