Fait divers dans le métro

   Nous quittons notre Airbnb lugubre, un studio semi-enterré, sombre et moche, dans lequel on entend les souris grattouiller les parois à l'intérieur des murs. Nous allons faire nos démarches administratives dans le centre-ville de Montréal, et pour cela, on prend le métro. 
Je déteste le métro. Je suis claustrophobe et sujette aux crises de panique. Mais exceptionnellement, quand je suis accompagnée et en bonne forme physique, je peux en être capable. J'ai fait huit heures d'avion hier, pris des ascenseurs avec des valises, je suis bien échauffée pour affronter une autre de mes (nombreuses) peurs.

   La rame est agréable. Le ventilateur au plafond souffle fort, les lumières sont modernes et des écrans indiquent exactement où nous sommes entre deux stations. Je me détends. Cependant il est encore tôt, et de nombreux Montréalais se rendent au travail. Le train se remplit rapidement. J'oblige M. à descendre à une station car de plus en plus de gens montent et je ne veux pas être écrasée. Nous attendons le train suivant et je remonte, tout va bien. Je valide ce métro. Je peux prendre le métro à Montréal, je n'ai plus peur de celui-là.

   Une station avant notre destination, alors que le sifflement de la fermeture des portes retentit, un bruit sec, comme un câble qui lâche sous la pression, éclate. Au même moment, un autre train entre en sens inverse dans la station. Le claquement, brutal, sortait du spectre des bruits habituels du métro. J’élimine instantanément la bombe, ma plus grande peur, car le son était trop faible. Je pense à un problème technique, un câble électrique justement, qui aurait lancé une décharge ou craqué. Mais les lumières de la station sont toujours allumées, l'électricité fonctionne. Cependant les portes, qui se ferment normalement après le signal sonore, restent ouvertes. Il y a un moment de flottement, la rame pleine de travailleurs est silencieuse, nous nous regardons. Je sens mon niveau de stress grimper en flèche et je décide de sortir. Je convaincs M., quelque chose ne va pas. Nous sortons et la plupart des voyageurs suit notre mouvement. Des flots entiers de passagers s'écoulent du train. Nous montons des escaliers pour rejoindre la sortie. La station forme un pont au-dessus des rails, de sorte que je peux toujours voir les deux rames de métro immobilisées en contrebas. Je ralentis M., qui je pense a compris et veut quitter les lieux au plus vite, mais je refuse, je veux savoir ce qu'il vient de se passer. Deux minutes environ après le clac sonore qu'a émis le train, une annonce est faite : « code 409, aide médicale demandée d'urgence ». M. m'informe gentiment : « c'est peut-être un suicide », et un inconnu s'approche, nous adresse la parole : « c't'un suicide, vous avez vu kek-chose ? »
C'est le premier Québécois qui m'apostrophe, et c'est la dernière fois que je prends le métro à Montréal.

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