Le Choc culturel alimentaire


Partie 1 : Comment je me suis nourrie en terrain hostile – le quotidien


Au supermarché - le rayon pâtisserie


   Un des plus grands chocs culturel qu'un Français peut endurer en Amérique du Nord, c'est indéniablement la nourriture et toutes les pratiques qui entourent les repas. Ça ne se sent pas vraiment à l'arrivée. On est trop excité à l'idée de tester toutes sortes de nouvelles choses. C'est insidieusement, avec le temps, que nos veines hurlent de désespoir et mendient un bout de fromage coulant et de saucisson AOC. Arrosés de bon vin.

   Je me souviens qu'à mon arrivée aux États-Unis, faire des courses me prenait beaucoup de temps. En France, je pouvais entrer dans n'importe quel magasin et reconnaître les marques que je connaissais depuis toujours : Herta, Bonne Maman, Lu, etc... Rapidement, j'étais capable de prendre les articles que je voulais et de passer à la caisse.
   Dans un nouveau pays, il faut réapprendre tout ça. Les rayons ne sont qu'une nouvelle accumulation de possibilités, de nouveautés qu'il faut absolument goûter. Il faut lire les étiquettes, comprendre ce que représente la photo. Bien sûr, si je n'avais pas connu la langue, ça aurait été pire. J'étais encore capable de lire les emballages. Et je pense que même avec un niveau basique en anglais, on est capable de reconnaître des mots comme sugar, flour, chocolate, ham, avocado, etc... Le problème se portera plus sur les produits ajoutés, mais ça, c'est tout aussi compliqué à lire en français.
   À Chicago, je ferai la distinction entre deux grands types de magasins alimentaires : les supermarchés, plus ou moins grands, où vous trouverez tout sauf les produits d'hygiène. Ça paraît pas pratique comme ça, mais pour acheter votre gel douche, dentifrice ou autre, il faudra vous rendre dans une pharmacie. Et aux États-Unis, elle n'a rien à voir avec la petite officine à croix verte qu'on trouve pratiquement dans chaque rue de France. C'est aussi grand qu'un supermarché, et en plus d'y acheter vos produits d'hygiène de base, vous y trouverez des bonbons, des jouets, des cartes postales, des cahiers et des stylos, quelques produits alimentaires pour dépanner, et parfois même, des cigarettes. Souvent, au fond de la pharmacie, caché derrière le rayon des médicaments en vente libre, vous trouverez le comptoir du pharmacien qui délivrera des médicaments sur ordonnance.
   Le deuxième type de magasin alimentaire, il s'agit du petit dépanneur que vous trouverez à chaque coin de rue. Là, vous trouverez exclusivement des chips, des bonbons, du chocolat et des boissons gazeuses. Parfois de l'alcool.
   Je fréquentais rarement ce deuxième type de magasin. Je reviens donc aux supermarchés. Première constatation, les rayons consacrés aux plats surgelés et aux chips sont beaucoup plus larges qu'en France. Les boissons aussi : toutes les couleurs de l'arc-en-ciel sont disponibles. Parfois la saveur n'a aucun rapport avec la couleur. Après en avoir essayé une ou deux absolument imbuvables, j'ai arrêté de vouloir tester ces boissons. Àpart ça, il s'agit de supermarchés ordinaires, comme en France, mais avec des marques différentes et des emballages qui ne ressemblent pas toujours à ce qu'on connaît.
   Les aliments qu'on pense connaître et dans lesquels on aimerait chercher du réconfort sont différents. À mon arrivée, je me suis jetée sur les yaourts Danone et Yoplaît qui apparaissent en profusion dans les rayons produits laitiers. Malheureusement, les ingrédients ne sont pas les mêmes qu'en France, et la quantité de sucres ajoutés est parfois telle qu'il m'était impossible de finir le pot. Oubliez le fromage : ce sera du Cheddar, ou peut-être du chèvre à tartiner, ou du bleu (lequel ? Du bleu, c'est tout). Le tout pasteurisé et composé de substances laitières modifiées. Évidemment, il y a des magasins spécialisés qui proposent des fromages suisses ou français : ils ne seront jamais au lait cru, l'importation est interdite (au passage, cette interdiction a été levée au Québec, et vous pouvez maintenant y trouver des fromages français en quantité et de bonne qualité. Mais quand même, goûtez le fromage québécois, c'est bon aussi !), et leur prix en fera des aliments de luxe, que vous n'achèterez pas toutes les semaines. Oubliez également le jambon et la charcuterie telle que vous l'aimez en général. Tout sera sucré. Processed, comme ils disent. 

Du fromage et de la viande dans un dépanneur

   Ma première année aux États-Unis, une collègue m'a offert une barquette de jambon Madrange pour Noël, qu'elle avait trouvée dans un magasin qui importait du vin (quel est le rapport ? On ne sait pas). C'était mon plus beau cadeau cette année-là, et malheureusement M. l'a oubliée dans son sac à dos pendant deux jours. On l'a mangée quand même. 
   Quant à la viande en général, la provenance n'est presque jamais indiquée, le poisson non plus, et c'est dissuasif. Bien sûr, je vous parle là des supermarchés de mon quartier, donc populaires. Si vous allez dans un quartier différent, dans un magasin Wholefood par exemple, chaîne très connue en Amérique du Nord pour sa qualité et ses produits bio, vous trouverez la provenance de vos aliments, du bon fromage, de la bonne viande et des légumes bio, du même standard que n'importe quel supermarché moyen en France. Vous percerez également votre porte-feuille. 
   La conclusion est vite faite. Les pauvres mangent mal et s'engraissent pendant que les riches consomment bio et s'empiffrent de bons fromages européens. Malheureusement, c'est un peu vrai. Pour acheter de la bonne viande dans un magasin Wholefood, il aurait fallu qu'on fasse au minimum trente minutes de bus pour s'y rendre, qu'on dépense un bras, qu'on achète pas trop d'articles pour pouvoir les transporter, et qu'on refasse trente minutes de bus pour le retour. Une demi-journée consacrée à acheter quelques bons produits, alors que nous avions peu de temps libre, l'équation ne valait tout simplement pas le coup. 

   Alors qu'est-ce qu'on mangeait ? Après avoir goûté beaucoup de choses insipides, on a complètement revu notre alimentation. On a décidé de réviser nos basiques, d'acheter des aliments simples, peu modifiés, et en bons français, de cuisiner. Pâtes, riz, légumes (si possible des États-Unis ou du Mexique), fruits. De temps en temps de la viande ou du poisson. Des graines : lentilles, fèves, pois chiches. De la farine, du sucre, des œufs. Des yaourts faits maison dans une yaourtière. Des biscuits et des gâteaux maison. Des barres de céréales faites avec des bananes et de l'avoine, le dimanche, pour la semaine. On a perdu du poids. On n'avait jamais aussi bien mangé de notre vie. 

Commentaires

  1. J'achète en général les aliments de base (riz, légumes, fruits, thon en conserve, soupe, etc.) au supermarché, mais le reste vient toujours des épiceries chinoises. Ici, les magasins "ethniques" (libanais, latinos, asiatiques, etc. selon la ville ou le quartier) sont des mines d'or et ne sont pas forcément plus chers. Les Libanais ont souvent du bon fromage importé, idem pour les italiens, plus tous les petits gâteaux français (à Ottawa, en tout cas! Je mange quasiment tous les produits St Michel :-)), et forcément, chez nous, on mange beaucoup chinois.

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    1. Je note précieusement pour le fromage libanais ! Maintenant que nous sommes à Toronto, je trouve que c'est plus facile. Déjà il y a pharmacie intégrée au supermaché où on va, et on est mieux équipé niveau transport. Il nous faut juste un peu de temps pour découvrir tous les bons filons !

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    2. À Toronto, Chinatown est une mine d'or! Si tu en as l'occasion, essaie de manger des "jiaozi", il y a en particulier un restaurant genre "hole in the wall" qui ne sert que ça sur Spadina, c'est vraiment pas cher et excellent. Yummy Yummy Dumpling, de mémoire. Je te conseille aussi les boulangeries chinoises sur Spadina, il y en a trois et les pains vont te rappeler la brioche française ou les petits pains au lait ;-) (C'est mieux qu'un croissant massacré à la sauce canadienne!) Il y a aussi beaucoup de fromage importé dans Kensington Market, mais cher évidemment.

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