Le Choc culturel alimentaire 3

Que mangent les locaux ?


   Dans cet article, je vais parler de la façon dont les Français et les Américains mangent, soulever des différences et faire des comparaisons. Il y a évidemment des différences, fascinantes à observer. C'est un aspect culturel important, l'alimentation, le repas. Ce que je vais essayer de ne pas faire, c'est en tirer des conclusions, en extraire un jugement.

   Les États-Unis sont un autre pays, avec des habitudes de consommations différentes. Malgré tous les efforts qu'on peut faire pour se distinguer, et consommer à notre manière, on reste tributaire d'un système avec lequel on doit s'adapter. 
   En France, il est facile de se rendre chez le boucher, le fromager, le boulanger (je suis obsédée par les mêmes produits tout au long de ces articles, ma parole), et d'y acheter des bons produits. Aux États-Unis, il y aura un plus grand nombre d'étapes à franchir avant de trouver un bon camembert. 
   Ce que j'ai pu constater est assez relatif. C'est à prendre avec des pincettes, car il faut aussi tenir compte du contexte : une grande ville où tout est accessible, tout le temps. À n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, si vous avez faim, vous trouverez au moins un dépanneur au coin de la rue. Ce qui facilite beaucoup l'approvisionnement, et ce qui fait que les Américains ne font pas vraiment de grosses courses hebdomadaires. Le midi, au travail, beaucoup se procurent un sandwich (c'est-à-dire un burger. Oui, encore beaucoup d'Américains font ça), ou vont acheter un lunch dans le restaurant ou le supermarché du coin. Parfois même, ils prennent une plus grosse portion pour en avoir le soir. Ils cuisinent peu et font des courses quand ils veulent trouver les ingrédients pour tester une recette spécifique. Encore une fois, c'est ce que j'ai pu remarquer. Ce n'est pas une généralité. Mais les gens autour de moi ne cuisinaient pas au quotidien. Cuisiner était une activité qu'il fallait mettre en place, organiser, comme toutes les autres activités de la semaine : afterwork, yoga, playdate, etc.

   Si le mythe de l'Américain qui mange des burgers est bien réel, celui de la difficulté, voire de l'impossibilité de trouver des légumes ne l'est pas : aux États-Unis, on trouve des légumes. On en trouve même beaucoup, tout ceux que vous voulez, de saison ou pas. La provenance est parfois floue, car il n'est pas obligatoire de l'indiquer, mais j'ai pu consommer des légumes aux États-Unis auxquels je n'aurais pas forcément eu accès en Europe. Quoi par exemple ? Toutes sortes de petits haricots (dont j'ai découvert le nom en même temps) qu'on appelle souvent « flageolets » en France, et qui proviennent du Mexique ; des légumes asiatiques, toute la gamme des fruits en toutes saisons, les meilleures mangues de ma vie. Quand j'ai trouvé des oranges en été et des fraises en hiver, j'ai commencé à douter de mes connaissances géographiques et climatiques. En France, ce serait une abomination. Mais si ces fruits venaient du Mexique ? Est-ce que le climat là-bas permet leur culture toute l'année ? Est-ce que les fraises sont cultivées au Mexique ?  Je me suis posé tout un tas de questions dans ce genre.
Bien sûr, si la provenance du produit est inconnue, c'est dramatique. Je ne parle pas de qualité mais de quantité. Il y a des fruits et légumes aux États-Unis. Ce ne sont juste pas les mêmes qu'en France. Et ils ont poussé dans des conditions qui resteront inconnues pour le consommateur moyen.

   Si vous venez aux États-Unis en vacances et que vous n'avez pas accès à une cuisine, alors là oui, il sera difficile de consommer vos cinq fruits et légumes par jour. Votre meilleure chance reste de visiter une grande ville dans laquelle vous pourrez trouver des chaînes de restaurant healthy, proposant salades et soupes et surfant sur la vague végétarienne et végane. Mais dès que vous sortez de la ville, et je parle en connaissance de cause, vous ne trouverez que des grandes chaînes de fast-food en bord de route. C'est d'ailleurs un de mes souvenirs marquant d'un road trip dans le Wisconsin, quand après quatre jours de junk food, j'ai pratiquement harcelé la serveuse d'un petit restau pour qu'elle me serve une salade qui n'était pas sur la carte. J'ai reçu quatre pauvres feuilles de laitue Iceberg, et comme accompagnement, des croquettes de macaroni frites. C'est vrai. 
   Tout ça pour dire que, si on ne trouve que des fast-food en bord de route, c'est que les Américains aiment ça. Sinon cela changerait, n'est-ce pas ? Attention, je ne suis pas contre un bon burger de temps en temps, double cheese, grande frite et sauce ketchup, mais je vous jure qu'après quatre jours de ça, votre corps souffre. Je ne sais pas si c'est une question d'habitude. Car je me souviens de cet étudiant, dans un de mes cours, qui me racontait que pendant toute sa carrière d'avocat, tous les jours de la semaine, il sortait le midi pour manger un burger au restau du coin. Il était mince comme une liane, frais comme un gardon. Je me souviens de cet autre étudiant qui tout simplement, mangeait très peu. Il me racontait que ses parents ne l'avaient nourri que des mêmes aliments enfant, et qu'il était devenu très frileux quant aux nouvelles expériences alimentaires. Je me souviens de mes collègues américaines le midi, qui se nourrissaient d'une boîte de hummus avec des crackers. Tous n'étaient pas gros. Certains l'étaient plus que d'autres. Ce que j’ai pu constater, dans une grande ville comme Chicago, c’est que les gens n’étaient pas forcément obèses mais plus grand et plus gros que la moyenne française. Le fait est que les nutriments phares sont les protéines. Vous pourrez trouver toute une gamme d’aliments riches en protéines un peu partout : des barres de céréales ou des boissons, et dans les magazines, l’accent était mis sur les recettes protéinées. 

   La plupart de mes étudiants me demandaient comment, en France, nous n’étions pas gros à force de nous gaver de croissants et de fromage ? Je n’ai pas la réponse à cette question, mais je pense que beaucoup de facteurs entrent en jeu. Notre façon de manger, le temps que nous passons assis à table, l’accès à des matières premières de qualité, et peut-être aussi l’éducation, la politique, l’économie.
   En France, nous avons institutionnalisé le repas comme le point central de notre vie sociale. Nous prenons le temps de manger. Même le midi, alors que les Américains engouffrent rapidement leur sandwich devant l’écran de leur ordinateur au bureau, nous avons souvent le luxe de quitter le bureau pendant une heure voire deux et de se faire le plat du jour au restau du coin. Du moins quand je travaillais en France, c’était le cas. J’avais même le temps de rentrer chez moi pour déjeuner. Les Américains ne prennent pas ce temps-là. Et d’ailleurs, pour vous prouver à quel point la culture est différente, lisez mon premier Thanksgiving dans une famille américaine. Les rites, comme attendre que tout le monde soit servi avant de manger, dire bon appétit, prendre son temps pour manger, n’existent pas. 
   Je dirais aussi que les classes sociales en France sont moins marquées, même si elles le sont, hein, mais pas autant qu’aux États-Unis. La qualité moyenne des produits de supermarché moyens (disons Intermarché ou Carrefour), est beaucoup plus élevée que celles des produits moyens aux États-Unis (disons Mariano’s ou Jewel Osco). Les différentes classes sociales font clairement leur courses dans différents supermarchés. Vous pouvez voir cette différence en vous baladant dans les différents quartiers de Chicago : au nord, vous verrez des mères de famille faire leur jogging en poussant la poussette de leur bébé, le corps dénué de gras. Des pères hyper musclés porter leur enfant comme s’ils n’étaient pas plus lourds qu’une plume. Rappelez-vous, la protéine. Dans des quartiers plus pauvres, comme celui où nous vivions, les gens que je croisais dans la rue étaient beaucoup plus gros. Je me souviens de cette femme obèse qui squattait l’abris de bus du coin de la rue : elle vivait probablement là. Des gens lui donnaient les restes de leur repas pris au restaurant du coin : un dine-in avec à la carte des pancakes, œufs-bacon ou autre plat assez riche. 

  Je me souviens qu’en CM2, en France, j’ai visité un alimentarium, un centre dans lequel nous avons appris à composer des repas équilibrés : deux féculents, une protéine, des légumes, un produit laitier et de temps en temps, un produit sucré. Je m’en souviens encore, c’était une chouette journée, et nous avions même appris à cuisiner un plat équilibré que j’avais refait à la maison. J’avais bien appris ma leçon. 
   Dans l’école privée où j’ai travaillé aux États-Unis, il n’y avait pas vraiment d’éducation alimentaire. J’étais parfois très surprise du repas que nous servions aux enfants à midi. La compagnie qui nous fournissait chaque jour se targuait de n’utiliser que des produits biologiques. Mais la composition des repas pouvait être la suivante : raviolis et petits pois ; riz et patates douces. Il n’y avait jamais d’entrée, et seulement des fruits en dessert (des bouts de pomme vertes ultra acides que je trouvais personnellement immangeables), le tout arrosé de lait non biologique. Et qui dit lait non-biologique dit… hormones. Certains parents prétextaient que leur enfant était allergique au lait et fournissaient des briques de lait d’amande.

   J’aimerais finir sur une anecdote. Je vis maintenant au Canada, mais j’écoute toujours pas mal de podcasts américains. L’autre jour, j’ai entendu le témoignage d’une femme assez ronde qui racontait le calvaire qu’elle vivait au quotidien : ça allait de la peur de casser une chaise en s’asseyant dessus (elle avait, avec beaucoup d’humour, développé une grande connaissance des différents matériaux pour pouvoir rapidement appréhender son environnement), à la peur du jugement, ou plutôt à l’exaspération du jugement. Son message était le suivant : elle avait toujours eu un poids supérieur aux gens qui l’entouraient. Elle avait toujours essayé de maigrir sans y parvenir et avait toujours été en parfaite santé. Elle était fatiguée de s’entendre dire qu’elle était en surpoids car, tout simplement, who cares ?, qu’est-ce que ça peut faire, si vous êtes en bonne santé ? Elle voulait juste que les gens la voient aussi belle qu’elle se voyait. 

Commentaires

  1. Article très intéressant. L'anecdote me fait penser à ton commentaire à la pharmacie. Les différences culturelles alimentaires ne sont pas faciles quand on voyage, mais intéressantes pour découvrir des goûts différents, mais on est toujours content de retrouver nos habitudes au retour du voyage.

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